Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supplément. » Ou bien : « Voilà un morceau ravissant, mais il est trop long, il faut me le raccourcir d’un quart. » La musique a beau répondre : « Ces mesures que tu veux me faire ajouter formeront un non-sens, une répétition oiseuse, ridicule. » Ou bien : « La coupure que tu me demandes va détruire toute l’ordonnance du morceau…

— N’importe, répond sa bondissante sœur ; ce que je demande est indispensable. » Et la musique obéit. Ailleurs la danse trouve l’instrumentation trop délicate ; il lui faut des trombones, des cymbales, de bons coups de grosse caisse, et la musique, en gémissant, se résigne à toutes sortes de brutalités. Ici le mouvement est trop vif pour que le danseur puisse se livrer aux grands écarts, aux nobles élévations de son pas ; la musique, soumise, brise le rhythme, en attendant le moment de reprendre son allure naturelle ; et il lui faut de la patience, car le grand danseur s’élève si haut, que fort souvent, on le sait, il lui arrive à lui-même de s’ennuyer en l’air. Là le mouvement devra être plus ou moins accéléré, selon que la danseuse veut faire œuvre des dix doigts de ses pieds ou des deux gros orteils seulement. Alors la musique sera forcée de passer et de revenir, et de repasser et de revenir encore, en quelques mesures, de l’allégro au presto, ou de l’allegretto au prestissimo, sans égard pour le dessin mélodique disloqué et même pour la possibilité de l’exécution. Mais voici qui est bien plus grave. Quand un ballet nouveau a triomphé, on taille, on rogne, on déchire, on exter-