Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/231

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dont chacune se divise elle-même en temps forts et en temps faibles ; elle a ses notes frappées et levées, avec ses points de repos ou cadences ; et le retour régulier de toutes ces choses, dans les membres correspondants de la période mélodique, constitue, avec la carrure des phrases, le rhythme musical. La poésie qui prétend s’allier à la musique est tenue de se conformer à cette marche… etc., sans quoi il y a désaccord entre les deux arts associés. » Sans doute, mais cette marche de la musique est fort loin d’avoir la régularité absolue que vous lui attribuez et qui existe dans vos vers. Une mesure est égale à une autre mesure ; égale en durée, je le veux bien, mais cette durée est inégalement partagée. Dans celle-ci, je n’emploierai que deux notes qui porteront deux syllabes ; dans la suivante j’en écrirai quatre ou six ou sept qui pourront porter quatre ou six ou sept syllabes si je le veux, ou une seule syllabe, s’il me plaît que la série de notes soit vocalisée. Que devient alors votre rhythme poétique établi à si grand’peine ? La musique le détruit, le broie, l’anéantit. La poésie est esclave du rhythme qu’elle s’est imposé, la musique, non-seulement est indépendante, mais c’est elle qui crée le rhythme et qui, tout en le conservant dans ses éléments constitutifs, peut le modifier de mille manières dans ses détails. Et le mouvement, dont les auteurs de théories poétiques ne parlent jamais et qui seul peut donner au rhythme son caractère, qui est-ce qui le détermine ? C’est le musicien. Car le mouvement est l’âme de la musique,