Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/279

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gnité à conserver, une noblesse qui oblige. On peut lui dire : Jouez donc ! quand il se tait, ou : Taisez-vous donc ! quand il joue, sans que son amour-propre en souffre ; il sait qu’il est là pour être vilipendé. Les symphonies de Mozart et de Haydn lui servent seulement à produire un certain bruit destiné à annoncer la suspension ou la reprise des hostilités dramatiques. Pour l’orchestre de l’Opéra, sa destinée et son importance sont tout autres, et je n’aurais pas cru qu’il consentît jamais à de pareils actes de complaisance et d’abnégation. Sa réputation de modestie (pour ne pas dire d’humilité) est désormais inattaquable.

Mlle  Rose Chéri s’était résignée à paraître dans la première pièce, Geneviève, charmant vaudeville de M. Scribe, il est vrai, mais qui ne pouvait guère être représenté que devant une salle à peu près vide ; l’usage du public étant, en été surtout, de ne pas se montrer dans les grands théâtres avant huit heures et demie. Le croirait-on ? je n’avais point encore vu cette jeune et gracieuse célébrité… Et telle est la persistance avec laquelle chacun s’enferme à Paris dans le cercle de ses habitudes théâtrales, qu’après cinq ans d’une popularité immense, Mlle  Rachel elle-même m’apparut pour la première fois folâtrant sur un âne dans la forêt de Montmorency. « Cela prouve, me dira-t-on, que vous êtes un barbare, voilà tout. » Je répondrai : Oui, si je n’avais pas pris depuis longtemps le parti de résister énergiquement à ma passion pour les vaudevilles, pour les tragédies racontées entre six co-