Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/293

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ment trois heures durant, avec de la musique qui, à tout prendre, est peut-être fort supérieure à celle du Paradis. Qu’est-ce que trois heures en comparaison de l’éternité ? À propos de cette chanson dont je n’ose vous citer ici le refrain, refrain qui nous a fait casser tant de verres quand on le reprenait en chœur aux nuits sardanapalesques d’étudiants, il y a quelque vingt-cinq ans, voici comment j’ai appris qu’elle est du célèbre improvisateur Eugène de Pradel. Et ceci me ramène directement à Lyon.

Après le concert que j’eus l’honneur de donner dans cette ville, avec la permission de M. le maire, je fus invité à dîner à Fourvières par une société d’artistes et d’hommes de lettres, nommée la Société des Intelligences. Les membres de cette réunion s’étant garantis avec grand soin de l’approche des ennuyeux et des imbéciles, ceux-ci, blessés d’être ainsi exclus, ont donné ironiquement à ce club de gens d’esprit, le titre de Société des Intelligences, qu’il s’est bravement empressé d’accepter. Quand il passe à Lyon un artiste dont on est à peu près sûr, c’est-à-dire qui n’est pas réputé plus sot que la majeure partie des humains, qui ne porte pas de toasts dans les banquets, et qui déraisonne comme tout le monde, la Société des Intelligences s’empresse toujours de lui faire une politesse. À ce titre d’homme ordinaire et non orateur, je fus engagé à tenter l’escalade de la montagne de Fourvières, pour y dîner à trois cent soixante pieds, que dis-je ? à huit cent cinquante-trois pieds au-dessus du niveau de la