Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/295

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léon quand il eut pendant quelques minutes contemplé Goëthe debout impassible devant lui, je dis à M. de Pradel : « Vous êtes un homme ! » Il fut remué jusqu’au fond des entrailles par ces sublimes paroles ; mais le vaniteux poëte se garda bien de le laisser voir. Il ne montra même aucune émotion, et venant droit au fait, qu’il avait ruminé pendant tout le repas : « Vous avez, me dit-il, dans un de vos feuilletons, attribué la chanson « Vive l’enfer ! » à Désaugiers ? — Ah ! oui, c’est vrai. On m’a fait ensuite reconnaître mon erreur ; je sais qu’elle est de Béranger. — Pardon, elle n’est pas de Béranger. — En ce cas, je ne me suis pas trompé ; elle est de Désaugiers. — Pardon encore, elle n’est pas non plus de Désaugiers. — Mais de qui donc alors ?… — Elle est de moi. — De vous ? — De moi-même ; je vous en donne ma parole. — Je suis d’autant plus désolé de mon erreur, monsieur, que cette chanson est étincelante de verve, et qu’elle vaut à mon sens plus d’un long poëme. Je m’empresserai, à la première occasion, de vous en restituer l’honneur. » Nous fûmes ici interrompus par un des convives. Ce monsieur éprouvait le besoin de nous faire part de ses idées sur la musique ; idées bienveillantes qu’il donna en forme de conseils malveillants à mon adresse, et me firent penser qu’il fallait encore distraire une unité du nombre des membres de la société ; celui-ci devant être un étranger qui faisait, comme moi, partie des Intelligences en passant

Seconde interruption. Au diable les importuns ! On