Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/302

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générations à l’agonie ? Hou ! hou ! hou !… Quel crescendo !Ululate venti !… Quel forte !Ingemuit alta domus !… Sa voix se perd… Ma cheminée résonne sourdement comme un tuyau d’orgue de soixante-quatre pieds. Je n’ai jamais pu résister à ces bruits ossianiques : ils me brisent le cœur, me donnent envie de mourir. Ils me disent que tout passe, que l’espace et le temps absorbent beauté, jeunesse, amour, gloire et génie ; que la vie humaine n’est rien, la mort pas davantage ; que les mondes eux-mêmes naissent et meurent comme nous ; que tout n’est rien. Et pourtant certains souvenirs se révoltent contre cette idée, et je suis forcé de reconnaître qu’il y a quelque chose dans les grandes passions admiratives, comme aussi dans les grandes admirations passionnées ; je pense à Chateaubriand dans sa tombe de granit sur son rocher de Saint-Malo… ; aux vastes forêts, aux déserts de l’Amérique qu’il a parcourus ; à son René, qui n’était point imaginaire… Je pense que bien des gens trouvent cela fort ridicule, que d’autres le trouvent fort beau. Et le souffle orageux recommence à chanter avec effort dans le style chromatique : Oui ! ! ! oui ! ! ! oui ! ! ! Tout n’est rien ! tout n’est rien ! Aimez ou haïssez, jouissez ou souffrez, admirez ou insultez, vivez ou mourez ! qu’importe tout ! Il n’y a ni grand ni petit, ni beau ni laid ; l’infini est indifférent, l’indifférence est infinie !……… Hé… las !…… Hé… las !……

Talia vociferans gemitu tectum omne replebat.

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