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une haute-contre, et une basse, qui seront accompagnées d’une basse de viole, d’un théorbe, et d’un clavecin pour les basses continues, avec deux dessus de violon pour jouer les ritournelles. »

Monsieur Jourdain répond : « Il y faudra mettre aussi une trompette marine. La trompette marine est un instrument qui me plaît, et qui est harmonieux. »

À ces mots de trompette marine, l’hilarité du parterre ne manque jamais de faire explosion. Il croit, ce brave parterre, que la trompette marine, instrument fort doux, formé d’une seule corde montée sur un chevalet et qu’on joue comme le violoncelle, est un horrible instrument à vent, une conque de triton, capable d’effaroucher les ânes. Il suppose que Molière a fait dire à M. Jourdain une colossale bêtise, quand il lui a prêté seulement une naïveté. Ce n’est pas plus absurde que si un monsieur Jourdain de nos jours disait en semblable circonstance : « Il y faudra mettre aussi une guitare. La guitare est un instrument qui me plaît et qui est harmonieux. »

Un Jupiter de la critique, attaquant dernièrement avec violence les admirables instruments de Sax, rangeait parmi les plus formidables, les plus propres à déchirer l’oreille, le Saxophone, instrument à anche d’un timbre voilé, délicieux, qu’il confondait avec les saxhorns, instruments de cuivre à embouchure.

Cet illustre et consciencieux aristarque a sans doute étudié l’instrumentation au parterre du Théâtre-Français.