Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/80

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peu chargé du compositeur Paër. Il y avait, ce me semble, un peu d’audace à mettre le nom de ce maître italien au bas de la photographie de M. Scribe.

Paër était-il donc le seul maître fourbe de son époque ? La race d’Astucio est-elle éteinte ? et l’auteur de Griselda en fut-il le chef ? Bah ! il y eut toujours, il y aura toujours des Astucio ; à l’heure qu’il est, nous en sommes entourés, circonvenus, minés, rongés. Il y a l’Astucio prudent et l’Astucio hardi, l’Astucio bête et l’Astucio spirituel, l’Astucio pauvre et l’Astucio riche. Ah ! prenez garde à cette dernière espèce ! c’est la plus dangereuse. L’Astucio spirituel peut en effet n’être pas riche, mais l’Astucio riche a presque toujours de l’esprit. L’un entre partout, pour tout prendre ; l’autre se tire des plus fausses positions sans y laisser la moindre de ses plumes. On l’enfermerait dans une bouteille, comme le diable boiteux, qu’il en sortirait sans faire sauter le bouchon. Là où l’or n’a point accès, celui-ci pénètre par son esprit comme dans une place démantelée. Ailleurs, où l’esprit n’a plus cours à force d’être commun, celui-là sait faire manœuvrer la matière et obtenir par ses manœuvres de fabuleux résultats.

La plupart des Astucio ont appris des fourmis l’art de détruire sans avoir l’air d’attaquer.

Les fourmis blanches de l’Inde s’introduisent dans une poutre, en dévorent peu à peu l’intérieur ; après quoi elles passent à une autre poutre, et successivement à tous les soutiens de la maison. Les habitants de cette demeure condamnée ne se doutent de rien ; ils y vivent,