Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/86

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prêt, charmant, illuminé à giorno, et toujours peuplé d’un public bien couvert et de mœurs douces. L’usage s’y est établi (c’est sans doute à cet usage qu’on doit la douceur de mœurs de ses habitués) de consommer dans les entr’actes force bâtons de sucre d’orge. Dès que la toile est baissée, les lionceaux du parterre se lèvent, font un signe amical aux gazelles de la galerie, et s’enfoncent dans la bouche de longs objets de diverses couleurs qu’ils sucent et ressucent avec un sérieux des plus remarquables. Quand je dis que ces objets sucrés sont de diverses couleurs, je me trompe ; il y a une couleur adoptée pour chaque entr’acte et qui ne change qu’à l’acte suivant. Après l’exposition, on suce en jaune ; au moment où l’action se noue, le rose est sur toutes les lèvres ; et quand l’action s’est dénouée, c’est le vert qui triomphe, et toute la salle suce en vert. Ce spectacle est fort étrange et il faut du temps pour s’y bien accoutumer. Pourquoi ce doux usage existe aux Folies-Nouvelles, comment il s’y est établi, ce qui l’y maintient… — question triple à laquelle les vrais savants sont réduits à répondre ce qu’ils répondent à tant de questions simples :

On l’ignore complètement.

Et voyez comme on est mal instruit à Paris des choses même les plus essentielles : je ne savais pas, il y a quinze jours où est situé le théâtre des Folies-Nouvelles, et ce n’est qu’à force de dire, tout le long du boulevard, aux personnes dont la physionomie me faisait espérer de leur