Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/259

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admiré au Conservatoire de Paris le jeu vigoureux, le style large et sévère, bien que peu nuancé, et les savantes compositions, Molique, au théâtre et aux concerts, occupant le premier pupitre des violons, n’a donc à diriger en grande partie, que ses élèves qui professent pour lui un respect et une admiration parfaitement motivés. De là une précieuse exactitude dans l’exécution, exactitude due à l’unité de sentiment et de méthode, autant qu’à l’attention des violonistes.

Je dois signaler, parmi eux, le second maître de concert, Habenheim, artiste distingué sous tous les rapports, et dont j’ai entendu une cantate d’un style mélodique expressif, d’une harmonie pure, et très-bien instrumentée.

Les autres instruments à archet ont une valeur, sinon égale à celle des violons, au moins suffisante pour qu’on doive les compter pour bons. J’en dirai autant des instruments à vent : la première clarinette et le premier hautbois sont excellents. L’artiste qui joue la partie de première flûte, Krüger père, se sert malheureusement d’un ancien instrument qui laisse beaucoup à désirer pour la pureté du son en général et pour la facilité d’émission des notes aiguës. M. Krüger devrait aussi se tenir en garde contre le penchant qui l’entraîne parfois à faire des trilles et des grupetti là où l’auteur s’est bien gardé d’en écrire.

Le premier basson, M. Neukirchner, est un virtuose de première force qui s’attache peut-être trop à faire parade de grandes difficultés ; il joue en outre sur un basson tellement mauvais, que des intonations douteuses viennent à chaque instant blesser l’oreille et empêcher l’effet des phrases même les mieux rendues par l’exécutant. On distingue parmi les cors, M. Schuncke ; il fait aussi comme ses confrères de Francfort, un peu trop cuivrer le son des notes élevées. Les cors à cylindres (ou chromatiques) sont exclusivement employés à Stuttgard. L’habile facteur Adolphe Sax, actuellement établi à Paris, a démontré surabondamment la supériorité de ce système sur celui des pistons, à peu près abandonné à cette heure dans toute l’Allemagne, pendant que celui des cylindres pour les cors, trompettes, bombardons, bass-tubas, y devient d’un usage général. Les Allemands appellent instruments à soupape (ventil-horn, ventil-trompetten) ceux auxquels ce mécanisme est appliqué. J’ai été surpris de ne pas le voir adopté pour les trompettes dans la musique militaire, assez bonne d’ailleurs, de Stuttgard ; on en est encore là aux trompettes à deux pistons, instruments fort imparfaits et bien loin pour la sonorité et la qualité du timbre, des trompettes à cylindres dont on se sert à présent partout ailleurs. Je ne parle pas de Paris ; nous y viendrons dans quelque dix ans.

Les trombones sont d’une belle force ; le premier (M. Schrade), qui fit, il y a quatre ans, partie de l’orchestre du concert Vivienne, à Paris, a un véritable talent. Il possède à fond son instrument, se joue des plus grandes difficultés, tire du