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À ERNST


cinquième lettre
Dresde


Vous m’aviez bien recommandé, mon cher Ernst, de ne pas m’arrêter dans les petites villes en parcourant l’Allemagne, m’assurant que les capitales seulement m’offriraient les moyens d’exécution nécessaires à mes concerts.

D’autres que vous encore et quelques critiques allemands m’avaient parlé dans le même sens, et m’ont reproché plus tard de n’avoir pas suivi leurs avis, et de n’être pas allé d’abord à Berlin ou à Vienne. Mais vous savez qu’il est toujours plus aisé de donner de bons conseils que de les suivre ; et, si je ne me suis pas conformé au plan de voyage qui paraissait a tout le monde le plus raisonnable, c’est que je n’ai pas pu. D’abord, je n’étais pas le maître de choisir le moment de mon voyage. Après avoir fait à Francfort une visite inutile, comme je l’ai dit je ne pouvais pas revenir sottement à Paris. J’aurais voulu partir pour Munich, mais une lettre de Baerman m’annonçait que mes concerts ne pouvaient avoir lieu dans cette ville qu’un mois plus tard, et Meyerbeer, de son côté m’écrivait que la reprise de plusieurs importants ouvrages allait occuper le théâtre de Berlin assez longtemps pour rendre ma présence en Prusse inutile à cette époque. Je ne devais pourtant pas rester oisif ; alors, plein du désir de connaître ce que possède d’institutions musicales votre harmonieuse patrie, je formai le projet de tout voir, de tout entendre, et de réduire beaucoup mes prétentions chorales et orchestrales, afin de pouvoir aussi me faire entendre presque partout. Je savais bien que dans les villes du second ordre je ne pourrais trouver le luxe musical exigé par la forme et par le style de quelques-unes de mes partitions ; mais je réservais celles-là pour la fin du voyage, elles devaient former le forte du crescendo ; et je pensais qu’à tout prendre, cette marche