À M. HUMBERT FERRAND
Je me sens d’humeur assez sérieuse aujourd’hui pour vous parler du Conservatoire de Prague et, par occasion, des conservatoires en général. Ces institutions, quel que soit encore l’état d’imperfection où elles se trouvent, me semblent néanmoins les seules relatives à l’art musical, qui aient été fondées sous l’influence du bon sens et de la raison. Tous les conservatoires de l’Europe sont en ce moment (il n’en a pas toujours été ainsi) dirigés par des musiciens. Il faut s’en étonner et remercier la Providence. Sous le règne de cette opinion aujourd’hui fort répandue, que plus une question d’art est importante et difficile à résoudre, plus il faut que les hommes à qui les gouvernements en confient la solution soient étrangers à ce même art ; sous le règne, dis-je, de ces doctrines qu’on croirait formulées par la folie, si l’œuvre de l’envie n’était si facile à reconnaître, on doit s’applaudir que l’enseignement des diverses branches de la musique soit confié à des artistes spéciaux, possédant plus ou moins bien les connaissances qu’il s’agit de répandre. Beaucoup de gens sans doute, à Paris surtout, ne manqueront pas de dire que c’est un malheur, et qu’il vaudrait infiniment mieux prendre des mathématiciens pour enseigner le violon, placer des hommes de lettres à la tête des classes de composition, ou choisir des médecins pour maîtres de chant. D’autres (l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut est de cette opinion) pensent que la musique, en général, n’est bien connue, bien sentie, bien comprise, et partant, bien jugée, que par les peintres, les sculpteurs, les architectes et les graveurs. Plusieurs enfin, c’est l’immense majorité, mettent le plus touchant accord à poser en principe que, non-seulement il ne faut pas des musiciens pour enseigner la musique, pour diriger des conservatoires et des théâtres