Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/90

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Haydn en avait déjà dit autant de ce même Beethoven, qu’il s’obstinait à appeler seulement un grand pianiste.

Grétry a écrit d’ineptes aphorismes de la même nature sur Mozart qui, disait-il, avait placé la statue dans l’orchestre et le piédestal sur la scène.

Handel prétendait que son cuisinier était plus musicien que Gluck.

Rossini dit, en parlant de la musique de Weber qu’elle lui donne la colique.

Quant à Handel et à Rossini, leur éloignement pour Gluck et pour Weber ne doit pas être attribué aux même motifs ; la cause en est, je crois, dans l’impossibilité où ces deux hommes de ventre se sont trouvés de comprendre les deux hommes de cœur. Mais la haine qu’excita Spontini pendant si longtemps dans toute l’école française acharnée contre lui, et chez la plupart des musiciens italiens, fut bien certainement due à ce sentiment complexe dont je parlais tout à l’heure, sentiment misérable et ridicule, si admirablement stigmatisé par La Fontaine dans sa fable : Le Renard et les raisins.

Cette obstination de Lesueur à lutter contre l’évidence et ses propres impressions acheva de me faire reconnaître le néant des doctrines qu’il s’était efforcé de m’inculquer ; et je quittai brusquement la vieille grande route pour prendre ma course par monts et par vaux à travers les bois et les champs. Je dissimulai pourtant de mon mieux, et Lesueur ne s’aperçut de mon infidélité que beaucoup plus tard, en entendant mes nouvelles compositions que je m’étais gardé de lui montrer.

Je reviendrai sur la société des concerts et sur Habeneck, quand j’aurai à parler de mes relations avec cet habile, mais incomplet et capricieux chef d’orchestre.


XXI


Fatalité. — Je deviens critique.


Je dois maintenant signaler la circonstance qui me fit mettre la main à la roue d’engrenage de la critique. Humbert Ferrand, MM. Cazalès et de Carné,