Page:Berlioz - Traité d’instrumentation et d’orchestration.djvu/161

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Les tons de , Sol, Ut, Fa, La, Mi , Si , Mi et leurs relatifs mineurs, sont les tons favoris de la flûte, les autres sont beaucoup plus difficiles. Sur la flûte de Boëhm au contraire, on joue en Ré presqu’aussi aisément qu’en Ré naturel.

La sonorité de cet instrument est douce dans le médium, assez perçante à l’aigu, très caractérisée au grave. Le timbre du médium et celui du haut n’ont pas d’expression spéciale bien tranchée. On peut les employer pour des mélodies ou des accents de caractères divers, mais sans qu’ils puissent égaler cependant la gaîté naïve du hautbois ou la noble tendresse de la clarinette. Il semble donc que la flûte soit un instrument à peu près dépourvu d’expression, qu’on est libre d’introduire partout et dans tout, à cause de sa facilité à exécuter les groupes de notes rapides, et à soutenir les sons élevés utiles à l’orchestre pour le complément des harmonies aigües. En général cela est vrai ; pourtant en l’étudiant bien, on reconnaît en elle une expression qui lui est propre, et une aptitude à rendre certains sentiments qu’aucun autre instrument ne pourrait lui disputer. S’il s’agit par exemple, de donner à un chant triste un accent désolé, mais humble et résigné en même temps, les sons faibles du médium de la flûte, dans les tons d’Ut mineur et de mineur surtout, produiront certainement la nuance nécessaire. Un seul maître me paraît avoir su tirer grand parti de ce pâle coloris : c’est Gluck. En écoutant l’air pantomime en mineur qu’il a placé dans la scène des Champs-Élysées d’Orphée, on voit tout de suite qu’une flûte devait seule en faire entendre le chant. Un hautbois eut été trop enfantin et sa voix n’eut pas semblé assez pure ; le cor anglais est trop grave ; une clarinette aurait mieux convenu sans doute, mais certains sons eussent été trop forts, et aucune des notes les plus douces n’eut pu se réduire à la sonorité faible, effacée, voilée du Fa naturel du médium, et du premier Si bémol au dessus des lignes, qui donnent tant de tristesse à la flûte dans ce ton de Ré mineur, où ils se présentent fréquemment. Enfin, ni le violon, ni l’alto, ni le violoncelle, traités en solos ou en masses, ne convenaient à l’expression de ce gémissement mille fois sublime d’une ombre souffrante et désespérée ; il fallait précisément l’instrument choisi par l’auteur. Et la mélodie de Gluck est conçue de telle sorte que la flûte se prête à tous les mouvements inquiets de cette douleur éternelle, encore empreinte de l’accent des passions de la terrestre vie. C’est d’abord une voix à peine perceptible qui semble craindre d’être entendue ; puis elle gémit doucement, s’élève à l’accent du reproche, à celui de la douleur profonde, au cri d’un cœur déchiré d’incurables blessures, et retombe peu à peu à la plainte, au gémissement, au murmure chagrin d’une âme résignée… quel poète !…


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