Page:Bernanos - Scandale de la vérité.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment. S’il est assez fou pour croire qu’il sera bien payé de sa mort par l’admiration de la postérité, si un tel calcul lui paraît plein de discernement et de prévoyance, Dieu le bénisse ! C’est un bon citoyen, tel que l’État n’en saurait jamais trop voir mûrir sur ses espaliers. Mais quand ses entrailles commenceront de s’émouvoir en faveur d’une autre sagesse, non si basse qu’on croit, c’est alors qu’il dépendra de lui de pénétrer ou non dans un univers bien différent du nôtre, où le saint se trouverait peut-être aussi dépaysé que le lâche, car l’honneur humain est un mystère accessible aux seuls prédestinés. Il est des femmes pour qui l’impureté reste une énigme repoussante, on ne saurait les dire pures. Pour être un héros, il faut avoir au moins une fois en sa vie senti l’inutilité de l’héroïsme et de quel poids infime pèse l’acte héroïque dans l’immense déroulement des effets et des causes, réconcilié son âme avec l’idée de la lâcheté, bravé par avance la faible, l’impuissante, l’oublieuse réprobation des gens de bien, senti monter jusqu’à son front la chaleur du plus sûr et du plus profond repaire, l’universelle