Page:Bernanos - Scandale de la vérité.djvu/21

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complicité des lâches, toujours béante, avec l’odeur des troupeaux d’hommes. Qui n’a pas une fois désespéré de l’honneur, ne sera jamais un héros.

Ce mot de désespoir sonne mal à certaines oreilles. « Le désespoir en politique est une sottise absolue », a dit un jour Maurras, pour l’émerveillement des mufles. Aux yeux de ce petit bourgeois humaniste, fécondé par une goutte de sang juif ou maure, le désespoir n’est qu’un aveu d’impuissance, une manière d’aller se coucher. Absolument étranger à toute vie intérieure surnaturelle, le doute même lui apparaît ainsi qu’une bassesse gratuite, un vice de l’âme. C’est qu’il ne désespérera jamais de ses livres, il ne désespérera jamais de lui-même. Pour être tenté du désespoir, il faudrait d’abord avoir aimé.

Au fond il nous importe peu de savoir ce que la France a été. Ce qu’elle est, voilà ce qui nous tenaille. Est-elle là ? Est-ce sa voix qui nous parle ? Est-ce sa main qui nous étreint si doucement dans l’ombre ? Et quand nous nous demandons avec angoisse : « L’ai-