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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

enchaînée d’une manière absolue aux conditions physico-chimiques qui les environnent et leur servent de milieu, il en résulte que l’expérimentateur peut facilement les atteindre et les modifier à son gré.

D’un autre côté, tous les phénomènes d’un corps vivant sont dans une harmonie réciproque telle, qu’il paraît impossible de séparer une partie de l’organisme, sans amener immédiatement un trouble dans tout l’ensemble. Chez les animaux supérieurs en particulier, la sensibilité plus exquise amène des réactions et des perturbations encore plus considérables.

Beaucoup de médecins et de physiologistes spéculatifs, de même que des anatomistes et des naturalistes, ont exploité ces divers arguments pour s’élever contre l’expérimentation chez les êtres vivants. Ils ont admis que la force vitale était en opposition avec les forces physico-chimiques, qu’elle dominait tous les phénomènes de la vie, les assujettissait à des lois tout à fait spéciales et faisait de l’organisme un tout organisé auquel l’expérimentateur ne pouvait toucher sans détruire le caractère de la vie même. Ils ont même été jusqu’à dire que les corps bruts et les corps vivants différaient radicalement à ce point de vue, de telle sorte que l’expérimentation était applicable aux uns et ne l’était pas aux autres. Cuvier, qui partage cette opinion, et qui pense que la physiologie doit être une science d’observation et de déduction anatomique, s’exprime ainsi : « Toutes les parties d’un corps vivant sont liées ; elles ne peuvent agir qu’autant qu’elles agissent toutes ensemble : vouloir en séparer une de la masse, c’est la reporter