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identité des principes de l’expérimentation.

corps vivant, elle exigerait aussi la connaissance complète de l’organisme qui forme lui-même, ainsi qu’on l’a dit depuis longtemps, un petit monde (microcosme) dans le grand univers (macrocosme). La connaissance absolue ne saurait donc rien laisser en dehors d’elle, et ce serait à la condition de tout savoir qu’il pourrait être donné à l’homme de l’atteindre. L’homme se conduit comme s’il devait parvenir à cette connaissance absolue, et le pourquoi incessant qu’il adresse à la nature en est la preuve. C’est en effet cet espoir constamment déçu, constamment renaissant, qui soutient et soutiendra toujours les générations successives dans leur ardeur passionnée à rechercher la vérité.

Notre sentiment nous porte à croire, dès l’abord, que la vérité absolue doit être de notre domaine ; mais l’étude nous enlève peu à peu de ces prétentions chimériques. La science a précisément le privilége de nous apprendre ce que nous ignorons, en substituant la raison et l’expérience au sentiment, et en nous montrant clairement la limite de notre connaissance actuelle. Mais, par une merveilleuse compensation, à mesure que la science rabaisse ainsi notre orgueil, elle augmente notre puissance. Le savant, qui a poussé l’analyse expérimentale jusqu’au déterminisme relatif d’un phénomène, voit sans doute clairement qu’il ignore ce phénomène dans sa cause première, mais il en est devenu maître ; l’instrument qui agit lui est inconnu, mais il peut s’en servir. Cela est vrai dans toutes les sciences expérimentales, où nous ne pouvons atteindre que des vérités relatives ou partielles, et connaître les phénomènes