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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

Il faut reconnaître dans toute science deux classes de phénomènes, les uns dont la cause est actuellement déterminée, les autres dont la cause est encore indéterminée. Pour tous les phénomènes dont la cause est déterminée, la statistique n’a rien à faire ; elle serait même absurde. Ainsi, dès que les circonstances de l’expérience sont bien établies, on ne peut plus faire de statistique : on n’ira pas, par exemple, rassembler les cas pour savoir combien de fois il arrivera que l’eau soit formée d’oxygène et d’hydrogène ; pour savoir combien de fois il arrivera qu’en coupant le nerf sciatique on ait la paralysie des muscles auxquels il se rend. Les effets arriveront toujours sans exception et nécessairement, parce que la cause du phénomène est exactement déterminée. Ce n’est donc que lorsqu’un phénomène renferme des conditions encore indéterminées, qu’on pourrait faire de la statistique ; mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’on ne fait de la statistique que parce qu’on est dans l’impossibilité de faire autrement ; car jamais la statistique, suivant moi, ne peut donner la vérité scientifique et ne peut constituer par conséquent une méthode scientifique définitive. Un exemple expliquera ma pensée. Des expérimentateurs, ainsi que nous le verrons plus loin, ont donné des expériences dans lesquelles ils ont trouvé que les racines rachidiennes antérieures étaient insensibles ; d’autres expérimentateurs ont donné des expériences dans lesquelles ils ont trouvé que les mêmes racines étaient sensibles. Ici les cas paraissaient aussi comparables que possible ; il s’agissait de la même opération faite par le même