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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

certains médecins à penser que la médecine ne peut être que conjecturale, et ils en concluent que le médecin est un artiste qui doit suppléer à l’indéterminisme des cas particuliers par son génie, par son tact médical. Ce sont là des idées antiscientifiques contre lesquelles il faut s’élever de toutes ses forces, parce que ce sont elles qui contribuent à faire croupir la médecine dans l’état où elle est depuis si longtemps. Toutes les sciences ont nécessairement commencé par être conjecturales, il y a encore aujourd’hui dans chaque science des parties conjecturales. La médecine est encore presque partout conjecturale, je ne le nie pas ; mais je veux dire seulement que la science moderne doit faire ses efforts pour sortir de cet état provisoire qui ne constitue pas un état scientifique définitif, pas plus pour la médecine que pour les autres sciences. L’état scientifique sera long à se constituer et plus difficile en médecine à cause de la complexité des phénomènes ; mais le but du médecin savant est de ramener dans sa science comme dans toutes les autres l’indéterminé au déterminé. La statistique ne s’applique donc qu’à des cas dans lesquels il y a encore indétermination dans la cause du phénomène observé. Dans ces circonstances, la statistique ne peut servir, suivant moi, qu’à diriger l’observateur vers la recherche de cette cause indéterminée, mais elle ne peut jamais conduire à aucune loi réelle. J’insiste sur ce point, parce que beaucoup de médecins ont grande confiance dans la statistique, et ils croient que, lorsqu’elle est établie sur des faits bien observés qu’ils considèrent comme comparables entre eux, elle peut conduire à la