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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

actuelles. Toute science expérimentale ne peut donc faire de progrès qu’en avançant et en poursuivant son œuvre dans l’avenir. Ce serait absurde de croire qu’on doit aller la chercher dans l’étude des livres que nous a légués le passé. On ne peut trouver là que l’histoire de l’esprit humain, ce qui est tout autre chose.

Il faut sans doute connaître ce qu’on appelle la littérature scientifique et savoir ce qui a été fait par les devanciers. Mais la critique scientifique, faite littérairement, ne saurait avoir aucune utilité pour la science. En effet, si, pour juger une œuvre littéraire ou artistique, il n’est pas nécessaire d’être soi-même poète ou artiste, il n’en est pas de même pour les sciences expérimentales. On ne saurait juger un mémoire de chimie sans être chimiste, ni un mémoire de physiologie si l’on n’est pas physiologiste. S’il s’agit de décider entre deux opinions scientifiques différentes, il ne suffit pas d’être bon philologue ou bon traducteur, il faut surtout être profondément versé dans la science technique, il faut même être maître dans cette science et être capable d’expérimenter par soi-même et de faire mieux que ceux dont on discute les opinions. J’ai eu autrefois à discuter une question anatomique relativement aux anastomoses du pneumogastrique et du spinal[1]. Willis, Scarpa, Bischoff, avaient émis à ce sujet des opinions différentes et même opposées. Un érudit n’aurait pu que rapporter ces diverses opinions et colla-

  1. Claude Bernard, Recherches expérimentales sur les fonctions du nerf spinal (Mémoires présentés par divers savants étrangers à l’Académie des sciences, t. x, 1851).