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applications de la méthode expérimentale.

précisément dans le voisinage du lieu où les chylifères commençaient à contenir du chyle rendu blanc et laiteux par l’émulsion des matières grasses alimentaires.

L’observation fortuite de ce fait réveilla en moi une idée et fit naître dans mon esprit la pensée que le suc pancréatique pouvait bien être la cause de l’émulsion des matières grasses et par suite celle de leur absorption par les vaisseaux chylifères. Je fis encore instinctivement le syllogisme suivant : Le chyle blanc est dû à l’émulsion de la graisse ; or chez le lapin, le chyle blanc se forme au niveau du déversement du suc pancréatique dans l’intestin ; donc c’est le suc pancréatique qui émulsionne la graisse et forme le chyle blanc. C’est ce qu’il fallait juger par l’expérience.

En vue de cette idée préconçue, j’imaginai et j’instituai aussitôt une expérience propre à vérifier la réalité ou la fausseté de ma supposition. Cette expérience consistait à essayer directement la propriété du suc pancréatique sur les matières grasses neutres ou alimentaires. Mais le suc pancréatique ne s’écoule pas naturellement au dehors, comme la salive ou l’urine, par exemple ; son organe sécréteur est, au contraire, profondément situé dans la cavité abdominale. Je fus donc obligé de mettre en usage des procédés d’expérimentation pour me procurer chez l’animal vivant ce liquide pancréatique dans des conditions physiologiques convenables et en quantité suffisante. C’est alors que je pus réaliser mon expérience, c’est-à-dire contrôler mon idée préconçue, et l’expérience me prouva que l’idée était juste. En effet, du suc pancréatique obtenu dans