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applications de la méthode expérimentale.

d’œil. Tout le monde sait, en effet, que l’habitude peut donner une sorte de connaissance empirique des choses capable de guider le praticien, quoiqu’il ne s’en rende pas toujours exactement compte au premier abord. Mais ce que je blâme, c’est de rester volontairement dans cet état d’empirisme et de ne pas chercher à en sortir. Par l’observation attentive et par l’étude on peut toujours arriver à se rendre compte de ce que l’on fait et parvenir par suite à transmettre aux autres ce que l’on sait. Je ne nie pas d’ailleurs que la pratique médicale n’ait de grandes exigences ; mais ici je parle science pure et je combats le tact médical comme une donnée antiscientifique qui, par ses excès faciles, nuit considérablement à la science.

Une autre opinion fausse assez accréditée et même professée par de grands médecins praticiens, est celle qui consiste à dire que la médecine n’est pas destinée à devenir une science, mais seulement un art, et que par conséquent le médecin ne doit pas être un savant, mais un artiste. Je trouve cette idée erronée et encore essentiellement nuisible au développement de la médecine expérimentale. D’abord qu’est-ce qu’un artiste ? C’est un homme qui réalise dans une œuvre d’art une idée ou un sentiment qui lui est personnel. Il y a donc deux choses : l’artiste et son œuvre ; l’œuvre juge nécessairement l’artiste. Mais que sera le médecin artiste ? Si c’est un médecin qui traite une maladie d’après une idée ou un sentiment qui lui sont personnels, où sera alors l’œuvre d’art, qui jugera cet artiste médecin ? Sera-ce la guérison de la maladie ? Outre que ce serait