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du raisonnement expérimental.

struisant l’homme, la science expérimentale a pour effet de diminuer de plus en plus son orgueil, en lui prouvant chaque jour que les causes premières, ainsi que la réalité objective des choses, lui seront à jamais cachées, et qu’il ne peut connaître que des relations. C’est là en effet le but unique de toutes les sciences, ainsi que nous le verrons plus loin.

L’esprit humain, aux diverses périodes de son évolution, a passé successivement par le sentiment, la raison et l’expérience. D’abord le sentiment, seul s’imposant à la raison, créa les vérités de foi, c’est-à-dire la théologie. La raison ou la philosophie, devenant ensuite la maîtresse, enfanta la scolastique. Enfin, l’expérience, c’est-à-dire l’étude des phénomènes naturels, apprit à l’homme que les vérités du monde extérieur ne se trouvent formulées de prime abord ni dans le sentiment ni dans la raison. Ce sont seulement nos guides indispensables ; mais, pour obtenir ces vérités, il faut nécessairement descendre dans la réalité objective des choses où elles se trouvent cachées avec leur forme phénoménale.

C’est ainsi qu’apparut par le progrès naturel des choses la méthode expérimentale qui résume tout et qui, comme nous le verrons bientôt, s’appuie successivement sur les trois branches de ce trépied immuable : le sentiment, la raison et l’expérience. Dans la recherche de la vérité, au moyen de cette méthode, le sentiment a toujours l’initiative, il engendre l’idée à priori ou l’intuition ; la raison ou le raisonnement développe ensuite l’idée et déduit ses conséquences logiques. Mais si le sentiment doit être éclairé par les lumières de la