Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sance et de le signer. C’était mon engagement. « Mon petit’dame » répondit qu’elle n’était pas ma mère. « Ah ! fit M. Thierry en se levant ; alors, emportez ce papier et faites-le signer à la mère de Mademoiselle. » Il me prit la main. La sienne me fit horreur : elle était molle, sans pression, sans franchise. Je me dégageai vivement et le regardai. Il était laid, la figure rouge, le regard fuyant.

En sortant, je rencontrai Coquelin qui, sachant que j’étais là, avait attendu. Il avait débuté depuis un an avec succès. « Eh bien, ça y est ! » me fit-il gaiement. Je lui montrai l’engagement et lui serrai la main.

Je descendis quatre à quatre ; et, au moment de sortir, je me jetai dans un groupe qui barrait la porte : « Vous êtes contente ? » me dit une voix douce qui sortait du groupe. — « Oh ! oui, Monsieur Doucet, je vous remercie. — Mais je n’y suis pour rien, ma chère enfant. Votre concours a été bien mauvais… Mais… — … Mais ça n’empêche pas que nous comptons sur vous », reprit M. Régnier. Puis, se tournant vers Camille Doucet : « Qu’en pensez-vous. Excellence ? — Je pense que cette enfant sera une très grande artiste. » Il y eut un silence.

« Eh bien, vous en avez un équipage ! » interpella grossièrement Beauvallet, le premier tragédien de la Comédie et l’homme le plus mal élevé de France et… d’ailleurs ! « Cet équipage appartient à la tante de Mademoiselle, dit Camille Doucet en me serrant doucement la main. — Ah ! j’aime mieux cela ! » reprit le tragédien. Je montai dans la voiture qui avait révolutionné le Théâtre.

Arrivée à la maison, maman signa, sans lire, l’engagement que je lui remis.