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Ses jolis cheveux soutenaient un petit diadème de turquoises et de diamants. Ses deux petits pieds reposaient sur un coussin de brocard argenté.

Pendant toute la durée de la pièce de Coppée, mes yeux étaient fréquemment attirés vers le coussin d’argent. Je voyais s’agiter les deux petits pieds. Enfin, je vis un des souliers qui, lentement, lentement, poussait son petit frère ; et je vis très clairement le talon de l’impératrice quitter sa prison, le pied n’étant plus chaussé que par le bout. Je m’inquiétai fort, et non sans raison, de la façon dont il rentrerait (car, en ce cas, le pied se gonfle et ne peut réintégrer le soulier trop étroit).

La pièce finie, nous fûmes rappelées deux fois. Et, comme c’était l’impératrice qui donnait le signal des applaudissements, je pensai qu’elle retardait le moment de se lever, car je voyais son joli pied endolori essayer vainement de rentrer dans le soulier.

Le léger rideau se referma sur nous. J’intéressai Agar au drame du coussin, et toutes deux nous suivîmes par la fente du rideau, les diverses phases :

L’empereur se leva et tout le monde l’imita. Il offrit son bras à la reine de Hollande, mais son regard s’arrêta sur l’impératrice encore assise ; son visage s’éclaira de ce sourire que j’avais déjà vu. Il dit un mot au général Fleury, et aussitôt les généraux et officiers d’ordonnance qui étaient placés derrière les souverains firent un rempart entre la foule et l’impératrice.

L’empereur et la reine passèrent sans avoir l’air de voir l’inquiétude anxieuse de Sa Majesté ; et le prince d’Orange, mettant un genou en terre, aida la belle souveraine à chausser la mule de Cendrillon.

Je vis l’impératrice prendre le bras du prince et