Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/255

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Cinq jours après, il était guéri. Je signai son bulletin de sortie, et il fut envoyé au service de la défense. Qu’est-il devenu ?

Un autre malade nous surprenait également. Chaque fois que sa plaie était sur le point de se guérir, il était pris d’une dysenterie effrayante qui retardait sa guérison. Ceci parut suspect au docteur Duchesne, qui me pria de guetter cet homme. Et nous eûmes, au bout d’un assez long temps, la certitude que le blessé avait imaginé la plus comique invention.

Il couchait près du mur et n’avait donc pas de voisin d’un côté. Il travaillait la nuit à limer le cuivre de son lit. Il faisait tomber le résidu de son travail dans un petit pot de pharmacie qui avait renfermé un onguent quelconque. Quelques gouttes d’eau et du gros sel mêlés à la cendrée de cuivre composaient un empoisonnement qui faillit un jour coûter la vie à son inventeur. J’étais révoltée par ce stratagème. J’écrivis au Val-de-Grâce, et une voiture d’ambulance vint prendre le mauvais Français.

Mais, à côté de ces tristes êtres, que d’héroïsmes ! On m’amena un jour un jeune capitaine : un grand diable, taillé en hercule, ayant une tête superbe, au regard franc.

Il fut inscrit sur mon livre : capitaine Menesson. Il avait reçu une balle dans le haut du bras à la naissance de l’épaule. Mais quand, aidée de l’infirmier, j’essayai doucement de lui enlever sa capote, trois balles tombèrent du capuchon qu’il avait relevé sur sa tête et je comptai seize trous de balle dans sa capote.

Ce jeune officier était resté debout pendant trois heures durant, servant ainsi de cible et couvrant la retraite de ses hommes, qui tiraient sans désemparer