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XVIII


Le 4 février, nous partîmes enfin pour ce voyage, qui devait durer trois jours et en dura onze. A la première porte où je me présentai pour quitter Paris, je fus renvoyée brutalement.

Les permis de sortie étaient soumis au visa des avant-postes allemands. J’allai à une autre porte ; mais ce ne fut qu’à la poterne des Poissonniers que je pus faire viser mon passeport-sauf-conduit.

On nous conduisit dans un petit hangar, transformé en bureau. Un général prussien était assis. Il me toisa : « C’est vous Sarah Bernhardt ?... — Oui. — Cette demoiselle vous accompagne ?... — Oui. — Vous pensez traverser facilement ? — Je l’espère. — Eh bien, vous vous trompez. Vous feriez mieux de rentrer dans Paris. — Non, je veux partir. Je verrai bien ce qui m’arrivera ; mais je veux partir. »

Il haussa les épaules, appela un officier, lui dit je ne sais quoi en allemand et sortit, nous laissant seules sans nos passeports.