Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette pièce en un acte est un réel petit chef-d’œuvre. Et elle conduisit tout droit son auteur à l’Académie. Porel, qui jouait Jean-Marie, eut un gros succès. Il était alors élancé, fringant et plein de juvénile ardeur. Il manquait un peu de poésie, mais le rire joyeux de ses trente-deux dents donnait en ardeur gourmande ce qu’il aurait fallu donner en poétique désir. C’était bien tout de même.

Mon rôle de jeune Bretonne, soumise au vieil époux imposé, et vivant éternellement avec le souvenir du fiancé disparu… peut-être mort, était joli, poétique et attendrissant par le sacrifice final.

Il y avait même une certaine grandeur dans la fin de la pièce. Elle eut, je le répète, un immense succès, et augmenta ma réputation naissante.

Mais j’attendais l’événement qui devait me faire consacrer Étoile. Je ne me rendais pas très bien compte de ce que j’attendais, mais je savais qu’il allait venir, le Messie.

Et ce fut le plus grand poète du siècle dernier qui posa sur mon front la couronne des élus.