Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être plus vraie : ce sont deux hommes qui vous font vivre, un brun et un blond ! C’est du propre ! » Elle n’avait pas achevé son « C’est du propre ! » qu’elle recevait une gifle comme elle n’en a jamais reçue, je vous l’affirme ! Seulement, après, je me suis creusé la tête pour comprendre ce que voulait dire la gueuse, et j’ai trouvé : Les deux hommes, le brun et le blond, qui me font vivre, ce sont nos directeurs : Chilly et Duquesnel. Et voilà que vous me dites que Chilly… ».

Elle s’arrêta, très essoufflée par son récit et, reprise de terreur : « J’étouffe », murmura-t-elle enfin ; malgré le froid glacial, nous baissâmes toutes les vitres. Je l’aidai à monter ses quatre étages et, après l’avoir bien recommandée à la concierge à laquelle, pour plus de sûreté, je laissai un louis, je rentrai chez moi, très secouée par ces incidents aussi dramatiques qu’imprévus dans une fête.


Trois jours après, le 14 juin 1872, Chilly mourait sans avoir repris connaissance.

Douze jours après, ma pauvre Lambquin mourait, disant au prêtre qui l’absolvait : « Je meurs d’avoir cru le démon ».