Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/406

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riais ainsi, j’exclamai : « C’est votre tête, celle de Dumas, de Got, de Croizette et de vous tous qui étiez dans le sournois complot et n’étiez pas sans crainte de l’issue de votre petite lâcheté. Eh bien, remettez-vous : j’étais ravie de jouer la duchesse de Septmonts, mais cela m’amuse dix fois plus de jouer l’Étrangère ! Et cette fois, ma petite Sophie, je te mettrai dans ma poche, et je n’y mettrai aucun ménagement, car tu viens de jouer une petite comédie indigne de notre amitié ! »

Les répétitions furent nerveuses de part et d’autre. Perrin, qui était un Croizettiste enragé, se lamentait sur le manque de souplesse du talent de Croizette, si bien qu’un jour, celle-ci, hors d’elle, lui décocha : « Eh bien, Monsieur, il fallait hisser le rôle à Sarah, elle aurait eu la voix que vous désirez pour les scènes d’amour ; moi, je ne peux pas faire mieux. On m’énerve trop, j’en ai assez ! » Et elle s’enfuit en sanglotant dans le petit guignol, où elle eut une véritable crise de nerfs.

Je la suivis et la consolai de mon mieux. Et, au milieu de ses larmes nerveuses, elle murmurait en m’embrassant : « C’est vrai… c’est eux qui m’ont poussée à te faire cette cochonnerie, et maintenant, ils m’embêtent… » Croizette parlait gras, très gras… et parfois elle avait la plaisanterie gauloise. Ce jour-là, nous nous réconciliâmes tout à fait.

Une semaine avant la première représentation, je reçus une lettre anonyme, me prévenant que Perrin mettait toute sa diplomatie en jeu auprès de Dumas, pour faire changer le titre de la pièce. Il désirait, cela va de soi, que la pièce eût pour titre : La Duchesse de Septmonts.

Je bondis vers le théâtre pour trouver de suite Perrin. Je rencontrai à la porte Coquelin, qui jouait le duc