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XXV


La représentation d’Hernani acheva de me livrer le public.

J’avais déjà répété avec Victor Hugo, et ce fut une joie pour moi de me retrouver presque chaque jour avec le grand poète. Je n’avais jamais cessé de le voir ; mais je ne pouvais jamais causer avec lui, chez lui. Il y avait toujours des hommes à cravates rouges gesticulant, ou des femmes éplorées déclamant. Il était bon, il écoutait les yeux mi-clos ; je crois qu’il dormait. Puis, éveillé par le silence, il disait une parole consolante, mais se récusait très habilement ; car Victor Hugo n’aurait pas pu promettre, aimant à tenir ses promesses.

Ce n’est pas comme moi : je promets tout avec la ferme intention d’exécuter ma promesse et, deux heures après, j’ai tout oublié. Si une personne de mon entourage ravive mon souvenir, je m’arrache les cheveux et, pour rabibocher mon oubli, j’invente des histoires, j’achète des cadeaux ; enfin, je complique ma vie d’inutiles soucis. Et c’est comme ça depuis... toujours. Et cela restera comme ça jusqu’à la fin.