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un shilling pour me voir. Je joue dans le monde, c’est vrai. Mais vous n’ignorez pas que je suis une des sociétaires les moins payées de la Comédie-Française. J’ai donc bien le droit de combler un peu la différence. J’expose dix tableaux et huit sculptures. C’est encore vrai. Mais puisque je les ai apportés pour les vendre, il faut bien que je les montre.

Quant au respect dû à la Maison de Molière, cher Monsieur Wolff, je prétends le garder plus que qui que ce soit ; car je suis, moi, incapable d’inventer de pareilles calomnies pour tuer un de ses porte-drapeau.

Maintenant, si les sottises qu’on débite sur moi lassent les Parisiens, et qu’ils soient décidés à me faire mauvais accueil à mon retour, je ne veux exposer personne à commettre une lâcheté. Et je donne ma démission à la Comédie-Française.

Si le public de Londres est lassé de tout ce bruit et veut retourner sa bienveillance en malveillance, je prie la Comédie de me laisser quitter l’Angleterre, pour lui épargner le chagrin de voir une sociétaire sifflée et huée.

Je vous envoie cette lettre par dépêche ; le cas que je fais de l’opinion publique me donne le droit de faire cette folie ; et je vous prie, cher Monsieur Wolff, d’accorder à ma lettre le même honneur que vous avez fait aux calomnies de mes ennemis.

Je vous serre amicalement la main.

Sarah Bernhardt.

Cette dépêche fit couler beaucoup d’encre. On me donnait généralement raison, tout en me traitant en enfant gâtée.

La Comédie se montra plus aimable. Perrin m’écrivit une lettre affectueuse, me priant de renoncer à mon projet de quitter la Comédie. Les femmes se montrèrent très amicales ; Croizette vint me voir, et me tenant dans ses bras : « Tu ne feras pas cela, dis, ma folle chérie ? Tu ne vas pas envoyer ta démission sé-