Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui. Et, après lui, dépend de moi ! Voilà ! Je signe et je vous remercie de votre confiance. »

Je montrai, à mes « cinq heures », le nouveau contrat à mes amis réunis ; et ils convinrent tous que la chance semblait favoriser ce qu’ils appelaient ma folie (c’est-à-dire ma démission).

Trois jours me restaient à vivre à Paris. Mon cœur se déchirait à l’idée de quitter la France, pour des raisons douloureuses... Mais je veux mettre de côté dans ces Mémoires tout ce qui touche à l’intimité directe de ma vie. Il y a un « moi » familial qui vit une autre vie, et dont les sensations, les joies et les chagrins naissent et s’éteignent pour un tout petit groupe de cœurs.

Mais je me sentais le besoin d’un autre air, d’un plus grand espace, d’un autre ciel.

Je me séparai de mon jeune garçon, que je confiai à mon oncle, père de cinq garçons. Sa femme, protestante un peu rigide, était bonne ; et ma cousine Louise, leur fille aînée, spirituelle et supérieurement intelligente, me promit de veiller et de me prévenir à la moindre alerte.


Jusqu’à la dernière heure, on n’avait pas cru, dans Paris, à mon départ pour l’Amérique. J’étais si délicate de santé, que cela semblait la plus folle de toutes mes décisions. Mais quand il fut avéré, certifié, que je partais, il y eut comme une détente de la gent vipérine, qui put enfin orchestrer sa musique, et le concert commença. Ah ! ce fut un beau concert.

J’ai là sous les yeux le monceau d’insanités, de calomnies, de mensonges, de stupidités, de conseils imbéciles, de portraits burlesques, de plaisanteries