Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/529

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en découvrir le motif. « Alerte, les enfants ! s’écria le capitaine. Pompez ! Pompez ! » Et les pompes firent rage, tant et si bien que la cale s’emplit tout à fait et que le capitaine dut abandonner le bateau après avoir mis les voyageurs dans les canots.

Un baleinier anglais rencontra le navire deux jours après. Il fit fonctionner les pompes, qui marchaient admirablement, mais dans le sens inverse de celui indiqué par le capitaine français.

Cette petite erreur coûta douze cent mille francs de sauvetage à la Compagnie transatlantique qui, voulant relancer ce steamer sur lequel les voyageurs ne voulaient plus monter, fit de très belles conditions à mon imprésario, M. Abbey. Il les accepta ; et il eut raison en dépit de tous les pronostics. Le bateau avait payé son tribut.


Je n’avais que fort peu voyagé et j’étais folle de joie. Le 15 octobre 1880, à six heures du matin, j’entrai dans ma cabine. Elle était large, tendue de reps grenat pâle, avec mes initiales. Ah ! quelle profusion de S. B. !!!

Un grand lit de cuivre tout brillant et des fleurs partout.

A côté, une cabine très confortable pour « mon petit’dame » et une autre faisant suite, pour ma femme de chambre et son mari. Le reste de mon personnel était à l’autre bout du navire.

Le ciel était brumeux ; la mer grise et sans horizon. J’allais là-bas, derrière cette brume qui réunissait le ciel et l’eau en un mystérieux rempart.


Le branle-bas du départ secoua les choses et les êtres. Le ronflement de la machine, les sifflets d’appel, la