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tapis en velours rouge conduisait au fauteuil de Monseigneur. Deux petits coussins en velours rouge avec crépine d’or. Je trouvai toutes ces horreurs si jolies, si belles !

Le concert commença. Et tout me semble avoir bien marché.

Mais Monseigneur ne put s’empêcher de sourire à la vue de César ; et quand il fut mort, il donna le signal des bravos. Ce fut César, en réalité, qui emporta tous les suffrages.

Cependant, nous fûmes appelées près de monseigneur Sibour. Oh ! le doux et charmant prélat ! Il nous remit à toutes une médaille bénie.

Quand vint mon tour, il me prit la main : « C’est vous, mon enfant, qui n’êtes pas baptisée ? — Oui, mon père… Oui, Monseigneur, repris-je confuse. — Nous devons la baptiser au printemps. Son père revient exprès d’un pays très lointain pour cette cérémonie », reprit la Supérieure. Puis ils causèrent à voix basse.

« Eh bien, je reviendrai si je peux, pour cette cérémonie, » dit tout haut l’Archevêque. Je baisai, frissonnante d’émotion et d’orgueil, l’anneau du vieillard ; et je m’en fus pleurer au dortoir pendant un long temps. — C’est là qu’on me retrouva écrasée de fatigue et profondément endormie.

À partir de ce jour, je devins plus sage, plus studieuse, moins emportée. Dans mes grands accès de colère, on me calmait en évoquant le souvenir et la promesse de monseigneur Sibour de venir me baptiser. Hélas ! hélas ! je ne devais pas avoir cette joie.


Un matin de janvier, alors que nous étions réunies à la chapelle pour la messe du matin, je fus surprise,