Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/622

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous repartîmes pour Leavenworth, Quincy, Springfield, mais pas celui du Massachusetts, celui de l’Illinois.

Pendant le trajet qui devait nous conduire de Springfield à Chicago, nous fûmes arrêtés par la neige au milieu de la nuit.

Les plaintes aiguës et profondes de la locomotive m’avaient éveillée déjà depuis quelque temps. J’appelai mon fidèle Claude, et j’appris que nous devions stopper et attendre des secours. Aidée de ma Félicie, je m’habillai en toute vitesse et voulus descendre ; mais impossible, la neige arrivait à hauteur de la plate-forme. Je restai, enveloppée de fourrures, à regarder cette nuit magnifique.

Le ciel était dur, implacable, sans une étoile, mais quand même translucide. Les feux s’étendaient à perte de vue sur les rails devant moi, car je m’étais réfugiée sur la plate-forme en queue. Ces feux devaient prévenir les trains arrivant derrière nous ; et il en vint quatre, qui s’arrêtaient aux premiers pétards éclatant sous leurs roues et marchaient lentement jusqu’au premier feu, où un homme posté expliquait l’incident. Immédiatement, on allumait pour le train qui suivait les mêmes feux aussi loin que possible ; et un homme devançait les feux, plaçant des pétards sur les rails. Et ainsi faisait chaque train arrivant.

Nous étions bloqués. J’eus l’idée de faire allumer les feux de la cuisine, et j’obtins ainsi de l’eau bouillante en quantité suffisante pour faire fondre une première couche de neige du côté où je voulais descendre. Ceci fait, Claude et les nègres descendirent et déblayèrent tant bien que mal une petite partie.

Je pus enfin descendre à mon tour ; et je m’efforçai d’écarter la neige. Nous finîmes, ma sœur et moi, par