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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

monde, et je l’affirme ! répond-il, quelque peu décontenancé.

L’apostrophe piquante l’intrigue, le déroute. Assuré que Lucile, trop droite, trop noble d’instinct, ne fait pas d’avances grotesques et déplaisantes, mais ne se livre qu’à une humeur bien féminine, à celle d’agacer un peu l’homme qui admire et flatte, il ressent que la taquinerie lui porte un coup juste. Bien qu’une arrière-pensée perfide ne la lui ait pas dictée, n’a-t-elle pas intuitivement raison, sans beaucoup le percevoir ? Ne voile-t-il pas un mensonge d’une sincérité qui le dupe lui-même ? Sans doute, il n’avoue que ce qu’il éprouve, mais l’intention de prononcer, au terme de la route, un impitoyable adieu s’empare de la volonté, lui commande.

C’est alors qu’il se rappelle, un effroi le traversant, la décision ferme de ne plus se rendre auprès de Lucile. À coup sûr, il ne refoule pas assez la sympathie qu’elle fait sourdre en lui : déloyal, il insiste pour qu’elle ne se méfie pas de lui, pour qu’elle espère. Quelque chose d’intime, en effet, l’accuse d’avoir semé l’espérance au cœur de la jeune fille. Comment pourra-t-il, de manière à ce qu’il n’y reste pas de blessure, l’en retirer ? Ne vaut-il pas mieux s’éloigner d’elle à l’instant même. Il peut, sans faillir à la courtoisie, ne pas l’escorter plus loin qu’au « guichet