Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/434

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veau pour que lui vienne une réponse, et elle ne jaillit pas. D’une intuition confuse, il discerne l’impasse où il est acculé par elle : il sait qu’elle va le forcer à des admissions gênantes, il s’insurge contre la volonté de Jean qui les réclame. Son fils le cerne, le fascine, le maîtrise, l’irrite : sous des apparences d’amour et de respect, sans la moindre parole qui soit volontaire ou imprudente, il impose et il commande, et le père commence à être excédé par tant de courage, d’opiniâtreté, de tension à ne pas dévier du but ardemment voulu. Une conviction aussi inflexible entame sa propre assurance. Son refus avait éclaté prompt, fatal, irraisonné, indiscutable. Tout son être, d’une impulsion véhémente, avait protesté contre l’alliance à une famille d’ouvrier. Avec une sorte d’horreur, il éloigne la menace d’un tel mariage. La même crainte le saisit, lui fige le cœur, celle de l’opinion à l’affût des scandales pour les honnir, des maladresses pour les cribler de railleries. Entre celle-ci dont il est le serf, à laquelle il permet bien de l’envier, mais non de le rendre burlesque, entre elle et son fils, il n’hésite pas : il s’obstine à la craindre…

— Qui es-tu ? redit son fils, plus vibrant, certain de l’arme dont il frappe.

— Ton père ! s’écrie l’autre, avec une emphase autoritaire.