Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/440

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mon père ! supplia Jean, le cœur saignant de détresse.

— J’ordonne !

— Eh ! bien, non, mon père, mon bon père, tu ne feras pas cela ! Je ne le veux pas… ou plutôt, attends un peu, il faut que je réfléchisse, que je sache, que je me délivre de cette angoisse ! Oui, attends-moi un peu, n’est-ce pas ?…

Inébranlable et despotique, le voici donc le refus du père. Jean s’y heurte l’âme comme on se meurtrit la tête à du roc, à du fer, à des choses qui brisent, qui assomment… Il ne subit pas tout de même le désespoir qu’il redoutait : à force de l’avoir pressenti, ne l’a-t-il pas rendu impossible ? Le choc de l’orgueil paternel lui fait beaucoup de mal, il ne détruit pas son courage et sa lucidité. Plus forte que sa douleur, une autre sensation la lui fait maîtriser, la domine, bientôt l’engourdit, celle de rechercher et de vouloir une décision. Jusqu’ici, l’hypothèse du choix à faire entre son père et Lucile ne l’a pas réellement angoissé. La croyant imaginaire et déloyale envers Gaspard, il n’osait l’accueillir et l’affronter. L’image d’une impasse vers laquelle il serait peut-être forcé, mais d’une impasse mal définie, peu certaine, l’émouvait parfois d’une terreur brève. Il n’appréhendait que de la colère et un entêtement fa-