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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

Et, de fait, ainsi volontairement et divinement auto-suggestionné, dans les rues on le voit marcher du pas automatique des hallucinés, ses beaux yeux d’azur noyés dans l’extase.

Il a rejeté loin de lui les philosophies des Helvétius, les sociologies des Rousseau. Lamennais lui-même, le Lamennais des Paroles d’un Croyant, ne le passionne déjà plus. Baudelaire, en lequel il voit un précurseur, l’intéresse toujours ; Gérard de Nerval, le Gérard d’Aurélia l’inquiète ; mais il devra désormais s’enrichir l’esprit avec les acquisitions de son seul système sensoriel, qu’il affinera, qu’il exaspérera par tous les moyens, par le vin, par les poisons, par l’aventure.


Aussi, dès septembre de cette année 1871, s’étant tout entier replié sur lui-même, fera-t-il dans les régions supérieures de son idéal d’aujourd’hui le bond formidable du Bateau ivre, chef-d’œuvre visionnaire déjà, prophétique, terrible aussi et doux et tout, sanglotant prodige de la mer créée, énorme et vivante, par l’imagination de quelqu’un ne l’ayant jamais approchée dans la réalité ; du Bateau ivre, symbole de la vie entière de son auteur et que, pour cela, nous devons ici transcrire :