Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/135

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sent, devant ou derrière lui, de sa provinciale gaucherie, de son accent ardennais un peu traînard, de sa voix muante, de son parler lourd qu’il sentait bien ne pas correspondre à l’efflorescence vertigineuse de sa pensée.


Les moqueries redoutées ne devaient pas, d’ailleurs, manquer de se produire. Non ce jour-là, car les interlocuteurs étaient ou trop intelligents ou trop réservés ; mais dans la suite, lorsqu’il eut affaire avec les prétentieux imbéciles vivant de tout temps, à Paris, dans le sillage des hommes de valeur pas assez énergiques ou trop pauvres pour pouvoir s’isoler. Et cela devait faire, et cela fit que la timidité d’Arthur Rimbaud, loin de s’atténuer au commerce des gens de lettres, s’augmenta et s’aigrit. Il en avait conscience, de cette timidité il en saisissait le côté absurde il en souffrait d’autant plus.

Dès en présence de personnes non familières (et Rimbaud ne se familiarisait pas facilement), ou dont la mise était plus recherchée que la sienne, une intense rougeur lui montait au visage et, la fierté héritée de sa mère appréhendant le ridicule de ce mouvement sanguin, il en éprouvait toujours comme une humiliation. Cela le rendait muet, lui mettait un tic nerveux dans la