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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

pourrait bien être perdu. Il se prend à envisager le mal réel que peuvent faire l’envie et la haine, de si bas qu’elles partent. Ses candides illusions de bonté, d’amourdu prochain s’envolent chaque jour davantage. Il lui reste bien « l’orgueil plus bienveillant que les charités perdues » ; mais son échafaudage de bonté universelle croule. « Pas une main amie ! » Personne ne l’admet. « Ma sagesse », va-t-il dire, « est aussi dédaignée que le chaos ». C’est peut-être qu’il est monté trop haut. Cependant, il ne redescendra pas encore de son ciel. « Qu’est mon néant », s’écrie-t-il sarcastiquement, « auprès de la stupeur qui vous attend ?… »

Verlaine lui-même, en lequel il avait vu une âme capable de lui être mystiquement fraternelle, un esprit assez libre pour marcher avec lui à la conquête de la vérité divine, ce Verlaine dont il rêvait de faire un « fils du Soleil » ne lui paraît plus que l’esclave social dont les passions terrestres, excitées tant par l’atmosphère spéciale des tavernes londoniennes que par les nostalgies matrimoniales, le désenchantent, l’aigrissent, l’exaspèrent.


VAGABONDS


Pitoyable frère que d’atroces veillées je lui dus !