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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

rait presque plus la terre ; comme un flambeau placé devant les… [illisible]… ne les éclaire plus que par une faible lueur, ainsi le soleil, flambeau terrestre, s’éteignait en laissant échapper de son corps de feu une dernière et faible lueur qui cependant laissait encore voir les feuilles vertes des arbres, les petites fleurs qui se flétrissaient, et le sommet gigantesque des pins, des peupliers et des chênes séculaires. Le vent rafraîchissant, c’est-à-dire une brise fraîche, agitait les feuilles des arbres avec un bruissement à peu près semblable à celui que faisaient les eaux argentées du ruisseau qui coulait à mes pieds. Les fougères courbaient leur front vert devant le vent. Je m’endormis, non sans m’être abreuvé de l’eau du ruisseau.

Je rêvai que… j’étais né à Reims, l’an 1503.

Reims était alors une petite ville ou, pour mieux dire, un bourg cependant renommé à cause de sa belle cathédrale, témoin du sacre du roi Clovis.

Mes parents étaient peu riches, mais très honnêtes ils n’avaient pour tout bien qu’une petite maison qui leur avait toujours appartenu et, en plus, quelques mille francs auxquels il faut encore ajouter les petits louis provenant des économies de ma mère.

Mon père était officier[1], dans les armées du roi. C’était un homme grand, maigre, chevelure noire, barbe, yeux, peau de même couleur. Quoiqu’il n’eût guère, quand j’étais né, que 48 ou 50 ans, on lui en aurait certainement bien donné 60 ou 58. Il était

  1. Colonel de Cent-gardes (Note de A. Rimbaud).