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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

— est-ce que la muse… » Il n’a pas achevé sa phrase, que l’enfant, secouant sa torpeur, se redresse et profère pour toute réponse : « J’ai faim ! » L’ironie n’était pas mal. Pourtant M. Desdouets ne la saisit point il murmure : « Le pauvre enfant ! Je parie qu’il est à jeûn !… Allez donc — enjoint-il à l’un des jeunes gens prévenir le concierge qu’il ait à apporter immédiatement à déjeûner. »

Bientôt le vieux serviteur arrivait portant un panier, dont il tira des provisions. Rimbaud, froidement, y fit aussitôt un large honneur. Tout en mangeant, il ne laissaitpas d’être narquois. La dernière bouchée avalée, après un bref simulacre de recueillement, il prend sa plume, s’incline sur son papier et, dédaignant de consulter son Gradus, il aligne des vers latins… À midi, il avait remis sa composition au surveillant. Celui-ci fit observer qu’il était impossible que ce travail fût achevé ; Rimbaud soutint qu’il avait fini, et bien fini.

Lorsque le principal, à cinq heures, vint pour recueillir les compositions, le professeur de physique, en remettant celle d’Arthur, eut une réflexion de désespoir. Mais M. Desdouets, qui n’ignorait pas son élève, semble se rassurer, au contraire. Il prend son binocle et examine les quatre-vingts vers de la composition. Un sourire