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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

Aussitôt la distribution des prix, M. Izambard avait regagné Douai, laissant ses livres à la libre disposition de son élève. Celui-ci, demeuré seul avec ses nouvelles idées et sa soif de lectures, eut tôt fait d’absorber tout le vin littéraire ou artistique, généreux ou non, de cette bibliothèque. Il continua épistolairement ses relations avec le professeur de rhétorique. La lettre qu’on va lire montrera, certes mieux que tout commentaire, la psychologie d’Arthur Rimbaud à ce moment :

Monsieur G. Izambard, 29, rue de l’Abbaye-des-Prés,
Douai (Nord). Très pressé.
Charleville, 25 août 70.
Monsieur,

Vous êtes heureux, vous, de ne plus habiter Charleville ! — Ma ville natale est supérieurement idiote entre les petites villes de province. Sur cela, voyez-vous, je n’ai plus d’illusions. Parce qu’elle est à côté de Mézières — une ville qu’on ne trouve pas parce qu’elle voit pérégriner dans ses rues deux ou trois cents de pioupious, cette benoîte population gesticule prudhommesquement spadassine, bien autrement que les assiégés de Metz et de Strasbourg ! C’est effrayant, les épiciers retraités qui revêtent l’uniforme ! C’est épatant, comme ça a du chien, les notaires, les vitriers, les percepteurs, les menuisiers et tous les ventres, qui, chassepot au cœur, font du