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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

du sergent de mobiles la recommandation de l’ami Billuart.

Dès son arrivée à Charleroi, il va droit se présenter au directeur du journal. M. des Essarts, surpris, le reçoit vaguement et, de même, le congédie. « Le soir — écrira, le lendemain, l’éconduit à Billuart — j’ai soupé en humant l’odeur des soupiraux, d’où s’exhalaient les fumets des viandes et des volailles rôties des bonnes cuisines de Charleroi, puis en allant grignoter au clair de lune une tablette du chocolat fumacien[1]. » Il passa même la nuit à la belle étoile, pour, dès le matin, aller derechef se présenter chez le directeur du journal : car, encore que l’épithète de « jûne » homme avec laquelle on l’a une première fois accueilli le fasse sourciller, il n’a pas perdu tout espoir, et puis on lui doit une réponse ferme… Il l’obtint, en effet, cette réponse, à la fin. Elle fut négative. Y entendit-il et comprit-il que l’instruction et le bon style sont superfluités en journalisme, de même que les courageuses et libres idées ? Pas encore, peut-être.

Sans ressources aucunes et encore une fois déçu, le voici à l’abandon sur le pavé d’une ville étrangère. C’est la misère absolue. Il ne

  1. Jean Bourguignon et Ch. Houin, Arthur Rimbaud : Revue d’Ardenne et d’Argonne.