Page:Bertillon - Identification anthropométrique (1893).djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LXXXII
INTRODUCTION

Le progrès serait immense. Les moyens peu honorables dont on se sert actuellement pour dévoiler les artifices d’un individu que l’on soupçonne donner un faux nom, disparaîtraient immédiatement, avec l’introduction du système Bertillon. Il n’arriverait plus alors que l’Administration pénitentiaire tolérât ou même provoquât l’espionnage des prisonniers par leurs compagnons d’infortune, ni qu’un surveillant ou un détenu affectassent des apparences d’amitié pour l’individu soupçonné, afin de surprendre sa confiance avec l’intention d’en abuser ensuite.

Il n’est que juste que les associations internationales de malfaiteurs soient combattues par des mesures internationales. A mesure que le territoire sur lequel on fera usage des mensurations anthropométriques s’étendra, les données à la disposition des autorités augmenteront, puisqu’il sera possible de se les communiquer mutuellement. Peut-être n’avons-nous pas tort de voir ici le germe de l’organisation internationale d’une partie du service de la sécurité publique ; il ne me paraît pas impossible qu’un bureau international de mensurations anthropométriques soit établi un jour, analogue aux bureaux internationaux dont nous possédons déjà un certain nombre. La Suisse, qui est le pays international par excellence, ne doit pas rester en arrière dans cette voie.


Si de Suisse nous passons en Belgique, nous y retrouvons les mêmes idées aussi brillamment développées par M. Ed. de Ryckère, substitut du procureur du roi à Bruges, qui a fait paraître dernièrement une étude sur l’identification des criminels dans le Journal des Tribunaux de Bruxelles. Ce travail très complet a depuis été reproduit intégralement dans le Journal des Parquets de Paris.

Ses conclusions seront les nôtres :


L’internationalisation de la méthode des signalements anthropométriques, voilà la précieuse réforme que l’intérêt de tous les pays civilisés commande de réaliser à bref délai.

L’échange international des casiers judiciaires que les Congrès pénitentiaires inscrivent à leur ordre du jour, constitue, à n’en pas douter, un progrès sensible sur la situation actuelle. Cette innovation permet de contrôler, jusqu’à un certain point, les déclarations d’identité faites par les criminels étrangers ou qui se donnent pour tels. Toutefois il serait dangereux de s’illusionner sur la valeur et l’efficacité de ce moyen de contrôle tant qu’il ne sera pas complété par l’anthropométrie. Le signalement ordinaire annexé aux pièces en question ne facilite guère les reconnaissances d’identité : un menton rond, un visage ovale, des yeux gris, etc., n’ont jamais amené la reconnaissance des malfaiteurs que dans le domaine du roman. Au Congrès pénitentiaire de Rome, en 1885, on émit le vœu de voir étendre la méthode des signalements anthropométriques aux autres pays.

Il y a là un progrès important et indiscutable dont on peut profiter aisément et sans grands frais. L’immense utilité du système de M. Bertillon ne saurait désormais être contestée. La période des essais et des tâtonnements est passée ; les résultats de l’expérience faite en France sont absolument décisifs : c’est le