Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/114

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commettraient un crime de lèse-humanité en voulant ôter cette croyance aux monarques : il faut que les sujets espèrent en Dieu et que les souverains le craignent. » C’est ici d’Alembert qui parle et pour lui-même, on ne saurait en douter ; un tel langage choquerait dans les œuvres de Bossuet, n’importe à quelle place, comme un intolérable contresens.

L’illustre chrétien aurait cru, même par figure oratoire, déshonorer sa plume en plaçant les oints du Seigneur, les rois qui règnent par lui, dont lui-même a ordonné la puissance, au nombre de ces insensés qui dans l’empire de Dieu, parmi ses ouvrages, parmi ses bienfaits, osent dire qu’il n’est pas et ravir l’existence à celui par lequel subsiste toute la nature. En écrivant l’éloge de Bossuet, d’Alembert a le droit de lui emprunter sa plume, non de lui prêter la sienne.

D’Alembert traite Ronsard et Marot avec un dédain que rien n’adoucit, admire Boileau avec une conviction que rien ne modère, et dans une page plus digne d’un rhétoricien que d’un géomètre il le met en balance avec Racine et Voltaire, c’est-à-dire avec ceux qu’il place au premier rang :

« Ne pourrait-on pas comparer ensemble, dit-il, nos trois plus grands maîtres en poésie : Despréaux, Racine et Voltaire ? Je nomme le dernier quoique vivant, car pourquoi se refuser au plaisir de voir d’avance un grand homme à la place que la postérité lui destine ? Ne pourrait-on pas dire, pour exprimer les différences qui les caractérisent, que