Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/152

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place que Sa Majesté veut bien le croire. Livré dès mon enfance à des études continuelles, je n’ai que dans la théorie la connaissance des hommes, qui est si nécessaire dans la pratique quand on a affaire à eux. La tranquillité et, si j’ose le dire, l’oisiveté du cabinet m’ont rendu absolument incapable des détails auxquels le chef d’un corps doit se livrer.

« D’ailleurs, dans les différents objets dont l’Académie s’occupe, il en est qui me sont entièrement inconnus, comme la chimie, l’histoire naturelle et plusieurs autres, sur lesquels, par conséquent, je ne pourrais être aussi utile que je le désirerais. Enfin, une place aussi brillante que celle dont le roi veut m’honorer, oblige à une sorte de représentation, tout à fait éloignée du train de vie que j’ai pris jusqu’ici ; elle engage à un grand nombre de devoirs, et les devoirs sont les entraves d’un homme libre : je ne parle point de ceux qu’on rend au roi. Le mot de devoir n’est pas fait pour lui ; les plaisirs qu’on goûte dans sa société sont faits pour consoler des devoirs et du temps qu’on met à les remplir. Enfin, monsieur, je ne suis absolument propre, par mon caractère, qu’à l’étude, à la retraite et à la société la plus fermée et la plus libre. Je ne vous parle point des chagrins, grands ou petits, nécessairement attachés aux places où l’on a des hommes et surtout des gens de lettres dans sa dépendance. Sans doute le plaisir de faire des heureux et de récompenser le mérite serait très sensible pour moi ; mais il est fort incertain que je fisse des heureux, et il est infaillible